Arrivée à Bénares

          C’est le premier séjour à Bénarès qui a été le plus particulier.
          Le plus marquant.
          Quelqu’un à Delhi nous avait indiqué un pharmacien qui nous trouverait un logement. Ce fut le cas.
          Deux pièces + cuisine dans une vieille bâtisse au bord du Gange. Des barreaux aux fenêtres nous intriguaient. Ce ne fut que quelques jours plus tard que nous avons compris leur utilité : les singes. Ils se baladaient de partout ! Par les toits, les bords de fenêtres, les balcons ! D’accord il y a Hanuman, le dieu-singe mais à Bénarès les singes sont dieux (comme les vaches et les autres animaux ! Enfin, ils sont libres).

        Notre première soirée “à la maison” a été particulière : nous entendions de la musique, des chants, pas toujours les mêmes interprètes mais quasiment toujours le même air et les mêmes paroles « haré Râma, haré Krishna, Krishna, Krishna, haré, haré ». Ca a duré tout le temps. Nous nous sommes endormis avec. Nous nous sommes réveillés avec. Et toute la journée. Et les jours suivants. Nous avons ensuite appris qu’il y avait à ce moment-là une fête pour Krishna et que pendant 103 jours ces chants ne cessaient pas, répétition continuelle d’un mantra. Le temple n’était pas loin de notre logement et en plus il y avait des hauts-parleurs… 24h sur 24, des gens chantaient des louanges à Krishna, le même chant. D’excellents chanteurs, musiciens mais aussi des enfants, de simples dévots je suppose dont la foi allait au-delà de leur talent de musiciens ou chanteurs ! C’était impressionnant.
            Quand nous sommes retournés à Bénarès, à d’autres périodes, ce chant nous a manqué…
           A Delhi, on nous avait également parlé de Tchaï Baba, un homme qui tenait une tea-shop à Asi Ghât. Nous sommes allés le voir. Et nous avons passé beaucoup de temps avec lui (c’est aussi avec lui qu’au second voyage nous étions allés au Népal). C’était un homme très aimable, intéressant et drôle. Tout une population hétéroclite se retrouvait chez lui : des étrangers de tous pays, des musiciens, des voyageurs, des étudiants. Pas trop la faune car elle ne se plaisait pas là et n’y était pas la bien venue.
            Bénarès est une ville particulière. Je ne sais pas pourquoi mais peut-être y sent-on les siècles passés, la foi et les superstitions, la présence des religieux et celle des saddhus. Tous ces pèlerins, tous ces gens qui pensent qu’un bain dans le Gange les purifie… qu'y être incinéré et avoir ses cendres jetées dans le Gange les libèrent du cycle des réincarnations... Tous ces siècles de mysticisme.
           On dirait toujours qu’il va y avoir la révolution. Pas des émeutes car la ville ne semble pas violante mais comme si quelque chose d’énorme allait se produire. Cela donne un sentiment étrange.
           Est-ce les rues étroites ? Les animaux en liberté ? La foule toujours en mouvement et les ruelles presque désertes ? La multitude des temples ? Le Gange et le pouvoir que lui prêtent les Indous ? Les crématoires ?
            Qu’importe ! Chacun croit ce qu’il veut ou ne croit rien. Ce qui compte, c’est de sentir la magie de cette ville hors du temps tant elle est ancienne et absorbe la modernité.

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Varanassi, Bénares, Kashi

        La ville sacrée par excellence ! Si belle ! Si ancienne ! Toujours habitée ! Toujours les pieds dans l’eau du Gange…
          Bénarès et ses saddhous, ses vaches, ses venelles, ses universités, ses musiciens, ses myriades de temples qui se confondent avec les immeubles, les maisons et les palais ou se nichent au coin d’une rue, derrière un arbre.
          Les rues encombrées autant par les piétons que par les animaux et divers véhicules : vaches, chevaux, ânes, dromadaires et quand il n’y a pas un défilé d’éléphants richement caparaçonnés ! Encombrées aussi par les vélos, les pousse-pousse, les charrettes, les tongas (charrette hippomobile), les voitures, les camions et les autobus qui arrivent encore a circuler au milieu de tout cela !
         Mais tout n’est pas semblable à Bénarès ! On y trouve des lieux calmes, des rues désertes, une vache solitaire, un singe qui médite, une famille de vaches affectueuses, des enfants qui jouent avec les fleurs d’une fête passée.
          Si Bénarès a les pieds dans l’eau du Gange, ses socquettes sont les ghâts. Mais les ghâts sont l’âme de Bénarès. Ici se passent tant d’instants de tant de vies, spirituelles ou matérielles. On s’y lave, on y lave le linge mais on y fait ses ablutions religieuses ou tout simplement sa toilette et on y prie. Les gens s’y baignent, les buffles aussi. C’est là que finissent les cendres des corps incinérés.
            Ici plus qu’ailleurs la vie et la mort, la renaissance et le quotidien se confondent.



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Crémations

           La crémation n'est pas spécifique à Bénarès, elle est pratiquée dans tout le pays par les hindouistes, les sikhs, les jaïns. C'est ainsi qu’en Inde les morts sont accompagnés vers leur dernière demeure (comme on dit chez nous). Et leur dernière demeure n'est pas un trou dans un cimetière, c'est un bûcher sur lequel le corps est brûlé puis les cendres (parfois il vaudrait mieux dire : les restes) sont jetés -confiés- au fleuve qui les éparpille et les transporte parmi les gens qui font leurs ablutions, les animaux qu’on y baigne, le linge qu’on y lave, les barques et bateaux transportant marchandises et passagers… La vie continue jusqu’au delta du Gange… jusqu’à l’au-delà ? Les fumées montées vers le ciel amèneront-elles une meilleure réincarnation ? En tout cas, le corps et ce qui, peut-être, l’accompagne sont retournés à leurs racines : les quatre éléments.

         S'il y a tant de crémations à Bénarès, ce n'est pas parce qu’on y meurt plus qu'ailleurs mais parce que tout hindou pratiquant souhaite être incinéré ici car ainsi il sera libéré du cycle des réincarnations, il pourra atteindre le nirvana. Ne souriez pas, chaque religion a ses superstitions, ses croyances, même si c'est antinomique avec la spiritualité ! (ce n’est pas plus absurde que la paradis, l’enfer et le purgatoire !).
       La crémation est un fait tellement naturel en Inde qu'elle se passe ainsi sur les ghats, au milieu de la vie active quotidienne.
          La crémation était pratiquée dès l’antiquité par divers peuples autres que ceux d’Inde et d’Asie (Perses, Egyptiens, Romains). Les rites de la crémation pratiquée en Inde ne s’arrêtent pas à ceux du moment de la crémation, ils continuent par le culte des ancêtres pratiqué par la descendance du défunt.
          Quant aux photos que j’ai prises, c’était au cours d’une promenade en barque faite sur le Gange (un peu à cet effet). Deux gaths sont réservés aux crémations. Il y avait plusieurs bûchers mais je n'ai fait que peu de photos (3) car j’ai craint d’être incorrecte. J'étais partagée entre le désir de prendre des photos et celui de ne pas être irrespectueuse envers les personnes en deuil (ici comme ailleurs, la croyance en tel ou tel au-delà n’exclue pas le chagrin dû à la perte d’un proche)...


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Le Temple des Singes

               Mais oui, il y a un temple des singes... Il est vrai que les singes sont rois ici. Enfin, le mot n'est pas juste, ils sont dieux.
        Hanuman est un avatar de Vishnou (une des représentations sur terre de ce dieu sous un aspect particulier qui évoque une partie du divin). Il était un allier de Rama dans sa lutte contre les démons dont Ravana et son armée qui gardait prisonnière Sita, l'épouse de Rama, à  Lanka séparé du continent par un bras de l'océan mais Hanuman put sauter sur l'autre rive et la libérer...).
              Hanuman symbolise la fidélité, sa fidélité à Rama, la dévotion. Il est aussi le saint patron des lutteurs. Ses hauts faits sont racontés dans le Ramayana.
               Il est encore celui qui a demandé aux dieux qu'il y ait des fruits sur terre. Ils les lui donnèrent ainsi que la connaissance de leurs vertus.            
              Une petite histoire survenue pendant la visite du temple à Bénarès : Je portais une jupe qui avait une poche ; dans la poche, un petit mouchoir afghan rouge fait dans un de ces tissus qui ressemble aux tissus provençaux. Mais le mouchoir dépassait un peu de ma poche et un singe ma la pris... et allez expliquer à un singe qu'il me rende mon mouchoir ! Mon compagnon a photographié la scène bien sûr !
              A Bénarès, le singes, comme la plupart des autres animaux, étaient libres. Il y en avait de partout ! Nous avons même eu l'occasion de voir un singe... se casser la figure (comme on dit !). Ils étaient quelques uns à gambader sur un toit au-dessus de boutiques. Devant l'une d'elle, un marchand de bananes avait un petit étal dont le "tapis" fait de journaux dépassant un peu du support. Un singe a sauté pour prendre un fruit mais il a sauté sur le journal et s'est retrouvé par terre...

 

 

Petites histoires d'Hanouman

http://www.cosmovisions.com/$Hanouman.htm



Concert à Bénares

        Lors du second voyage, quand nous revenions de Calcutta à Bénarès, nous avons eu une superbe surprise à notre arrivée : il y avait un festival de musique classique indienne.
         A notre arrivée, nous sommes allés directement voir Tchaï Baba, un homme que nous aimions beaucoup et qui tenait une tea-chop à Asi Ghâth, nous l’avions rencontré à chacun de nos séjours à Bénarès. Il nous a accueilli par «  il faut faire vite, ce soir est la 3ième soirée du festival de musique ! ». C’était la fin de l’après-midi et nous devions être à quelques kilomètres de là avant 20h… Il a envoyé quelqu’un acheter les billets, nous a indiqué une personne qui avait une pièce à nous louer. Nous avons eu le temps d’aller nous changer et retour à Haci Ghât avaler un curry, 6 ou 7 personnes dans l’AMI8 et en route pour le festival !

        C’était un festival organisé par the Pt Omkarnath Thakur Memorial Fondation for Music : Nada Vandana Music Festival. Un programme extraordinaire :
- Malini RAJURKAR : chant,
- V. G. KARNAD : chénaï (flûte),
- Lakshmi SHANKAR : chant et sitar,
- V. G. JOG : violon,
- Samt PRASAD : tablas,
- Narayan MISRA : saranghi,
Et bien d’autres.
        Pour la soirée de clôture, Ravi SHANKAR au sitar entouré des meilleurs musiciens et chanteurs ou chanteuses.
        Il y avait énormément de monde mais la salle était très grande, l’acoustique bonne. Le récital a duré plusieurs heures mais le temps s’arrête quand on écoute une telle musique et d’une telle qualité !
         Ca a été deux soirées magnifiques ! Inoubliables !

 

Petite introduction à la musique indienne (université de Genève)

http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/UVLibre/9899/mar005/instruments.htm

 

Un sitariste indien présente la musique indienne : raga, styles, instruments

http://ragakhan.free.fr/instruments.htm

 

Ecouter de la musique indienne (tous les genres)

http://www.musicindiaonline.com/



Tchaï Baba

        C’est à New Delhi que quelqu’un (je ne sais plus qui) nous avait parlé de Thaï Baba, nous le présentant comme un homme très ouvert et tenant une tea-shop à Asi Ghât, au sud de Bénares, tea-shop où beaucoup d’étrangers se retrouvaient, beaucoup étaient musiciens.
        Aussi, dès notre arrivée à Bénares, nous étions chez le pharmacien (qui nous avait également été recommandé pour trouver un logement) puis, après installation, visite chez Tchaï Baba.
        Nous y sommes allés en rickshow car c’était un peu éloigné du centre ville où nous nous trouvions et nous ne savions pas s’il était facile ou pas d’y garer la voiture. Une rue animée, juste à l’angle, sur la gauche, quelques marches aboutissent sur une très petite esplanade "meublée" de 2 blocs de béton qui se faisaient face, une fine cloison brune occultait la vue sur la rue, tout cela devant deux foyers bâtis, une porte toujours ouverte qui donnait sur une cuisine où deux tables pouvaient recevoir des dîneurs (mais je n’y en ai que peu vu).
        Et le maître des lieux : un homme grand, au cheveux noirs ondulés sur les épaules, pull marron et doti blanc ; souriant, accueillant.

        Les clients : hétéroclites ; ici les nationalités et les langues se confondaient ! Heureusement qu’il y avait l’anglais ! “world english” n’était là pas un vain mot ! chacun avec son accent et ses spécificités nationales d’expression ! C’était plutôt drôle ! mais ainsi tout le monde pouvait à peu près se comprendre. Un Italien qui jouait des tablas, un Français du cithare, un Suisse du cithare, une Française le chant, une Canadienne la danse etc… Il faut dire que l’école de musique de Bénares était (et est peut-être toujours) très réputée pour la grande qualité de ses enseignants et musiciens. Le Français qui jouait du cithare était particulièrement doué (je me souviens de la nuit du Nouvel An passée chez lui, d’autres musiciens étaient présents, ce fut un enchantement musical !) ainsi que des amis Indiens de Thaï Baba et ses enfants.

        C’est grâce à Tchaï Baba que nous sommes allés à un festival de musique inoubliable ! c’est avec lui que nous sommes allés au Népal, c’est lui qui avait organisé un pique-nique sur l’autre rive du Gange où nous sommes allés en barque. Un excellent pique-nique ! Je ne me souviens pas de tout ce que nous y avons mangé mais en y allant, il y avait eu une halte pour acheter du combustible (celui fait avec de la bouse de vache séchée, mélangée à de la paille, vendu sous forme de galettes…). C’est avec cela que les plats ont été cuits, dans des récipients en terre posés sur des briques entre lesquelles étaient glissé le combustible et… au milieu, des aubergines ont cuit doucement dans leur peau, ont été épluchées et préparées en purée légèrement épicée mais très parfumées (par les épices !), divers  curys, des fruits et beaucoup de fumée, en plein air !
        A chacun de nos séjours à Bénares, nous passions pas mal de temps avec lui, à bavarder, à regarder les gens dans la rue, à échanger nos idées et se raconter…
        J’ai lu quelques années plus tard, dans un Géo je crois, un article qui parlait de lui, d’un séjour fait en France qui l’avait profondément déçu. Cela peut se comprendre, les modes de vie sont si différents ! Je regrette de ne pas avoir su qu’il venait, nous aurions été ravis de le recevoir et de lui montrer qu’ici aussi on peut vivre sans speed !
        Je ne sais pas s’il a toujours sa teashop, je n’ai plus eu de nouvelles. J’espère qu’il va bien ainsi que sa famille.